Par Valérie Sabah
Internet était censé apporter la connaissance à tous et favoriser l’émergence de la vérité et du savoir, faciliter les échanges, le dialogue, la compréhension mutuelle. Trente ans plus tard, il est évident que les effets recherchés ne sont pas ceux auxquels nous assistons aujourd’hui. Dans son ouvrage Sapiens, une brève histoire de l’humanité, Yuval Noah Harari décrit ce qui constitue les trois révolutions de l’espèce humaine : la révolution cognitive, la révolution agricole et la révolution industrielle et scientifique.
Après ces révolutions, n’allons-nous pas droit vers une fracture cognitive ? Internet est une de ces avancées scientifiques qui ont révolutionné le monde et les sciences de la communication, tout en ne donnant pas toujours les clés à ses utilisateurs. Internet est capable du meilleur...comme du pire. Le phénomène de post-vérité démontre, par exemple, que diffuser l’information ne suffit pas, il faut aussi être en mesure d’en faire bon usage. Les sachants, d’un côté, seraient capables d’en tirer le meilleur, et les autres, qui ne bénéficient pas des atouts indispensables au recul nécessaire, sont les utilisateurs piégés d’un système qui les dépasse.
Toutes les innovations doivent poser question sur leur usage. À chaque fois qu’un chercheur envisage ou développe une technologie, il devrait se questionner sur son impact sociétal ultérieur. La capacité de création et d’innovation constitue une formidable vertu du cerveau humain. Mais les avancées scientifiques ou technologiques peuvent nous échapper. Il suffit d’observer les dégâts du monde industriel sur notre planète pour en prendre conscience.
Cependant, des solutions existent : favoriser l’innovation responsable, d’une part, et encourager la réflexion et la distanciation, d’autre part, avec comme arme accessible, la lecture car elle a deux atouts majeurs face à l’image qui constitue la majeure partie de cette surabondance numérique. La lecture permet l’effort et le recul nécessaire à cette réflexion. Elle favorise, en outre, la curiosité intellectuelle et donne accès à toutes les littératures qui ont pour principal avantage d’avoir, au fil des siècles, abordé toutes les questions qui nous préoccupent. La lecture apporte au monde une richesse fondamentale et elle donne vie à ce trait de caractère spécifiquement humain de « lecteur ».