Le point commun entre la clé USB, le format de compression utilisé pour les PDF et le premier traitement de la maladie de Parkinson ? Toutes ces innovations sont nées au Technion. Surnommée le “MIT israélien”, l’université est aujourd’hui le fer de lance d’une “start-up nation”. Voici pourquoi.
Inauguré en 1924, le Technion est un institut polytechnique, qui a construit sa réputation autour de l’ingénierie et des sciences basiques, comme les mathématiques appliquées. Parmi ses pères fondateurs, elle compte un certain Albert Einstein et figure aujourd’hui en bonne position dans la plupart des classements des universités(83e université mondiale et 16e en ingénierie aérospatiale, selon le classement de Shanghai2021).
La culture de l’innovation
Située sur le mont Carmel, à Haïfa, elle bénéficie d’une situation géographique très favorable à l’innovation, particulièrement en santé. “Nous avons la chance d’avoir à proximité de notre centre d’ingénierie, juste en bas du mont Carmel, une école de médecine et le plus grand hôpital du nord d’Israël, ce sont des conditions idéales pour mener à bien des projets”, reconnaît Joachim Behar. À noter que l’Université du Technion dispose également d’un campus à Tel Aviv, et de deux autres, l’un situé à Cornell Tech (New York) et l’autre dans la province du Guangdong (Chine).Formé en France, à l’École des Mines de Saint-Étienne, Joachim Behar y a appris “la détermination et à ne jamais lâcher”. Aussi, si son master en ingénierie biomédicale et son doctorat à Oxford lui ont ensuite apporté “la passion du métier”. Israël lui a appris à innover. “Lorsque j’ai postulé pour mon poste de professeur au Technion, se souvient-il, une question revenait sans cesse : où est l’innovation dans ce que l’on fait ? Je ne fonctionnais pas comme cela auparavant. Cela change en définitive nos décisions de recherche, les sujets sur lesquels on se concentre”. “Il existe un terme pour désigner la culture de l’innovation israélienne, fait remarquer Valérie Sabah, directrice générale du Technion France. La houtzpa (prononcer routspa, ndlr) signifie en hébreu “toupet”, “culot”. C’est un concept que nous utilisons beaucoup pour dire que nous n’avons pas peur d’échouer”. Aussi, dans la culture entrepreneuriale israélienne, l’échec est non seulement accepté, mais il est apprécié. “Dans les processus de due diligence, les investisseurs apprécient qu’une équipe ait préalablement échoué sur d’autres projets, car ils savent que l’échec est un élément d’apprentissage”, explique Valérie Sabah, tout en soulignant que cet échec est nettement moins bien accepté en France.
Focus sur le Technion France
Fondé en 1951, le Technion France est l’une des représentations de l’université israëlienne, qui compte une vingtaine de filiales ans le monde. Son objectif : faire la promotion des avancées scientifiques et technologiques nées au Technion. “C’est un modèle assez peu courant en France, reconnaît sa directrice générale, sauf pour les grandes universités américaines qui fonctionnent avec des associations d’alumnis qui les représentent sur les différents marchés. Mon but, poursuit Valérie Sabah, est d’aller voir tous les acteurs clés de l’écosystème de l’innovation français et de les inciter à voir ce que nous faisons, à rencontrer nos professeurs, nos start-up, nos chercheurs”.
Le transfert de technologie
Point fort de l’institut israélien : le transfert de technologie, qui permet au travers des sociétés dans le portfolio de l’université et des licences accordées aux entreprises extérieures de fonctionner avec un budget conséquent, abondé également par l’État et des dons de philanthropiques. “Le Technion a un budget de fonctionnement d’environ 400 millions de dollars, il compte 15 000 étudiants,60 départements et 18 facultés”, rappelle Valérie Sabah. Le site internet du Technion dédié au transfert de technologies témoigne de l’importance accordée à cette valorisation de la recherche. Dans les domaines des dispositifs médicaux, de la biotechnologie et de la pharmacie, le Technion a accouché de plus d’une centaine de start-up. “Jacques Lewiner, le président honoraire du Technion France, a été le directeur scientifique de l’école de physique-chimie de Paris (ESPCI), c’est également lui qui a introduit en France, auprès des grandes écoles, le concept de transfert de technologie”, ajoute Valérie Sabah.
Un contexte géopolitique
“Il y a une notion d’urgence en Israël du fait du contexte géopolitique. L’État met des fonds dans l’innovation, car le pays a besoin de se construire et de se défendre : 5 %du PIB du pays (voir notre encadré chiffres page précédente) est investi dans la recherche et le développement”, fait remarquer Valérie Sabah. Une partie va vers les universités, une autre vers des institutions, des accélérateurs. “Aussi, poursuit-elle, les Israéliens ont, dès qu’ils sortent un produit, les yeux tournés vers le marché extérieur, car le marché intérieur est trop petit(Israël compte environ 9 millions d’habitants, ndlr). Les start-up en santé, très souvent, visent d’abord le marché américain – Israël a des liens très forts avec les États-Unis – puis le marché asiatique et européen”.
Romain Bonfillon