"Il s'agit essentiellement d'un "vaccin thérapeutique contre le cancer"", le professeur Arie Admon, de la faculté de biologie du Technion, explique le mécanisme du traitement anticancéreux par immunothérapie qui est au cœur des activités de son laboratoire. "Il active le système immunitaire de l'organisme contre la tumeur". Les traitements d'immunothérapie prennent de l'importance ces dernières années, surpassant la chimiothérapie traditionnelle dans sa capacité à traiter plus d'un type de cancer. Le professeur Admon a pour objectif d'élargir le champ des cancers pouvant être traités par immunothérapie et de réduire le coût du traitement. C'est exactement ce que font les travaux de sa doctorante Sofia Khazan-Kost, récemment publiés dans le Journal for Immunotherapy in Cancer (JITC).
L'étude de Sofia Khazan-Kost, une initiative du Dr Michael Peled, médecin principal au Sheba Medical Center, portait sur des patients atteints de cancer du poumon. Le cancer du poumon est la cause la plus fréquente de décès liés au cancer chez les hommes et les femmes, tuant plus de 1,5 million de personnes dans le monde chaque année. Khazan-Kost a mis au point et prouvé l'efficacité d'une technique simple permettant de collecter des peptides tumoraux spécifiques à chaque patient, ce qui permettrait de mieux adapter le traitement précis à chaque patient. Les peptides, qui sont de courts fragments de protéines, ont été recueillis dans l'épanchement pleural de patients atteints de cancer du poumon, c'est-à-dire dans le liquide qui s'accumule dans la poitrine du patient et qui doit être retiré régulièrement car il entrave la respiration. Ce liquide doit normalement être éliminé. La technique de Khazan-Kost ne soumet donc pas le patient à des tests supplémentaires, mais utilise des "déchets".
Nos cellules présentent régulièrement à leur surface, avec l'aide de molécules appelées HLA, des morceaux des protéines (peptides) dégradées à l'intérieur. C'est l'une des façons dont chaque cellule communique à son environnement ce qui se passe en son sein. Cette communication devient importante lorsque la cellule est infectée par un virus, auquel cas elle affichera de petits morceaux de protéines virales ; ou, si la cellule devient cancéreuse, auquel cas divers peptides de protéines aberrantes seront affichés. Le système immunitaire, en les voyant, est censé attaquer et détruire la cellule, protégeant ainsi l'organisme de la maladie.
Un vaccin, tel que le vaccin contre le coronavirus que nous connaissons bien, induit le système immunitaire en présence de peptides provenant de la bactérie ou du virus dont il est censé se protéger, ce qui l'"entraîne" et améliore sa réponse. Un vaccin contre le cancer est censé fonctionner de manière similaire, en entraînant le système immunitaire à attaquer les cellules cancéreuses. Toutefois, contrairement aux bactéries et aux virus, le cancer n'est pas un intrus dans l'organisme qui peut être facilement "montré" au système immunitaire. Il s'agit d'une anomalie qui se produit à l'intérieur des cellules de l'organisme. Les peptides aberrants que la cellule malade présente peuvent donc être aussi différents d'un patient à l'autre. La production d'un vaccin pour aider plusieurs patients est donc une tâche extrêmement compliquée.
La clé de la technique de Khazan-Kost réside dans les molécules HLA qui présentent les peptides susmentionnés à la surface des cellules. Ces molécules, qui varient quelque peu d'une personne à l'autre, sont en fait la clé de l'appariement des organes de transplantation. Elles sont situées dans la membrane externe de presque toutes les cellules du corps et sont également, avec la cargaison de peptides qu'elles transportent, libérées par les cellules dans les différents fluides corporels, tels que le sang et la lymphe. Chez les patients atteints de cancer du poumon à un stade avancé, ils se retrouvent également dans l'épanchement pleural. Les chercheurs ont essayé d'utiliser les molécules HLA isolées des cellules cancéreuses pour acquérir des peptides spécifiques de la tumeur en vue de développer une immunothérapie. Cependant, la quantité de ces molécules dans une biopsie à l'aiguille de la tumeur s'est avérée insuffisante. Les épanchements pleuraux, qui doivent être retirés des poumons du patient dans le cadre du traitement, ont fourni le point d'accès nécessaire.
L'équipe du professeur Admon a pu filtrer une grande quantité de molécules HLA dans les épanchements pleuraux des patients, puis a utilisé la spectrométrie de masse pour identifier les peptides que les molécules HLA présentaient. Grâce à ces informations, ils ont pu reconstituer les protéines aberrantes spécifiques des tumeurs. Ces protéines, ont-ils montré, peuvent être utilisées pour la recherche, pour adapter les traitements existants aux patients et, à l'avenir, pour déclencher le type de réponse immunitaire que l'on souhaite obtenir avec un vaccin.
"Les patients qui souffrent d'épanchements pleuraux secondaires à un cancer sont à un stade avancé de la maladie", explique le Dr Peled. "À ces stades, la tumeur est inopérable en raison des métastases. C'est la raison pour laquelle il n'y a pas suffisamment de tissus à analyser. Nous espérons que notre capacité à obtenir des peptides tumoraux à partir d'épanchements pleuraux pourra conduire à de nouvelles pistes de traitement pour les cancers à un stade avancé."
Cette étude a été soutenue par la Fondation scientifique israélienne (ISF) et l'Association israélienne du cancer.
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