La perte substantielle de tissus peut résulter de différentes causes, dont le cancer, les blessures et les infections ; la chirurgie reconstructive tente d'en atténuer les dommages. Actuellement, la méthode clinique standard dans le domaine de la chirurgie re constructive est l'autogreffe, qui consiste à prélever des tissus sur une partie du corps du patient et à les transférer sur le tissu endommagé.
Par exemple, pour reconstruire la mâchoire inférieure, les chirurgiens peuvent prélever une partie de l'os du péroné, ainsi que les tissus mous et les vaisseaux sanguins qui l'entourent, dans la jambe du patient. Les tissus mous et les vaisseaux sanguins sont indispensables à la survie de l'os dans son nouvel emplacement.
Cependant, le prélèvement d'une grande partie du corps présente des inconvénients majeurs : douleurs considérables et complications habituelles liées à une opération chirurgicale. Les scientifiques cherchent donc des alternatives au prélèvement de tissus et s'orientent vers l'ingénierie tissulaire. Bien que des progrès aient été réalisés dans ce domaine, il reste des défis majeurs à relever dans la recherche de substituts tissulaires. La meilleure option que les scientifiques cherchent à atteindre est la génération de tissus de novo. Au lieu de prélever des tissus d'une partie du corps pour les implanter dans une autre, les nouveaux tissus à implanter seraient cultivés en laboratoire.
C'est là que la Professeure Shulamit Levenberg et son équipe interviennent. À la Faculté de Génie Biomédical du Technion, son laboratoire de régénération tissulaire s'est concentré sur la formation de réseaux complexes de vaisseaux sanguins dans des tissus cultivés en laboratoire. Récemment, son équipe a créé des tissus mous vascularisés pour l'implantation en utilisant des cellules souches dérivées de la pulpe dentaire, c'est-à-dire le tissu mou à l'intérieur de la dent, ainsi que des cellules (endothéliales) formant des capillaires. L'ajout de cellules souches de la pulpe dentaire a favorisé la génération de vaisseaux sanguins, ce qui a permis d'améliorer le remodelage et la réparation des tissus. Grâce à ces méthodes, son équipe a pu favoriser la régénération des lésions de la moelle épinière chez les rats, dans une étude publiée dans la revue Advanced Healthcare Materials.
Comme indiqué précédemment, un os implanté dans le cadre d'une chirurgie reconstructive a besoin de tissus mous pour le soutenir et de vaisseaux sanguins pour l'alimenter. Dans une étude récente menée dans le laboratoire de la Professeure Levenberg, le Dr Idan Redenski et ses collègues ont pu s'attaquer à ce problème. Dans des résultats récemment publiés dans Advanced Functional Materials, l'équipe a combiné sa propre technologie de tissu vascularisé avec des implants osseux biologiques mis au point à l'université de Columbia par la Professeure Gordana Vunjak-Novakovic pour créer un lambeau de tissu de novo contenant des tissus osseux vivants soutenus par des tissus mous vascularisés. Le concept de tissu osseux implantable a alors atteint un tout autre niveau.
Ce n'était toutefois que la première étape. Après avoir démontré qu'il était possible de créer un lambeau de tissu mixte, l'équipe a utilisé cette nouvelle méthodologie pour réparer un défaut osseux chez le rat, selon une approche en deux étapes. Dans un premier temps, un lambeau de tissu mou a été implanté. Une fois intégré dans le corps du rat, ce lambeau a été utilisé lors d'une seconde opération pour réparer un défaut osseux, tout en étant soutenu par les principaux vaisseaux sanguins situés à proximité du site du défaut. L'os décellularisé a été exposé et inséré pour corriger le défaut existant tandis que le lambeau de tissu artificiel le soutenait. Les résultats ont été un succès total : le tissu mou et les vaisseaux sanguins soutenant et alimentant l'os ont permis de combler le défaut osseux. La guérison fut complète et meilleure que tout ce que la chirurgie reconstructive peut réaliser, sans prélèvement de tissus sur le patient.
Concernant la reconstruction de la mâchoire, nous pouvons espérer qu'un jour, sur la base des méthodes développées par la Professeure Levenberg, le Docteur Redenski et le reste de l'équipe, il sera possible pour le patient de recevoir un os fabriqué en laboratoire épousant parfaitement la forme de son visage, entouré de tissus mous fabriqués en laboratoire à partir de ses propres cellules cultivées sur des biomatériaux tridimensionnels. Cela permettrait ainsi de ne causer aucun dommage supplémentaire lié au prélèvement de tissu sur une autre partie du corps.
Après avoir obtenu son doctorat, le Dr Redenski commencera un internat en chirurgie orale et maxillo-faciale au Galilee Medical Centre, où il prévoit de poursuivre ses recherches dans l'espoir d'appliquer en clinique les méthodes développées dans le laboratoire de la Professeure Levenberg.
Les personnes ayant participé à cette recherche sont les suivantes : Idan Redenski, Shaowei Guo, Majd Machour, Ariel Szklanny, ShiraLandau, Ben Kaplan, Roberta I. Lock, Yankel Gabet, Dana Egozi, Gordana Vunjak-Novakovic et la Professeure Shulamit Levenberg.
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