La nouvelle technique permet d'identifier la présence du SARS-CoV-2 dans un échantillon en comptant et en quantifiant les molécules d'ARN du virus avec une précision à une molécule près. La détection n'est pas biaisée par des erreurs d'amplification par PCR, ce qui est encourageant pour le développement d'une future technique de diagnostic clinique plus fiable.
La recherche, publiée dans ACS Nano, a été dirigée par le Professeur Amit Meller et réalisée par les chercheurs postdocs Yana Rozevsky, Tal Gilboa, Xander van Kooten et Diana Huttner - tous chercheurs à la Faculté de Génie Biomédical - et les Professeurs Ulrike Stein et Dennis Kobelt du Centre Max Delbrück pour la Médecine Moléculaire, et de l'Hôpital de la Charité de Berlin.
Le test RT-qPCR, test le plus utilisé aujourd'hui pour dépister le Covid-19, comprend une série d'étapes préparatoires, telles que le prélèvement d'un échantillon sur un patient à l'aide d'un écouvillon, l'"ouverture" du virus et l'extraction de l'ARN. Ces étapes sont suivies d’une transcription inverse (RT), méthode consistant à copier des séquences d'ARN "cibles" spécifiques sous forme d'ADN codant, grâce au principe de complémentarité des bases azotées. Cet ADN est finalement amplifié par une réaction de polymérisation en chaîne (PCR), qui permet d’obtenir des millions de copies des fragments initiaux, quantité minimale requise pour pouvoir détecter le virus et poser un diagnostic.
Le test RT-qPCR requiert de grandes quantités de réactifs, des équipements de laboratoire coûteux et des professionnels hautement qualifiés. De plus, des études récentes ont montré que les résultats des tests peuvent changer d'un jour à l'autre et que le processus d'amplification massive peut générer d'importantes erreurs. Pour pallier ces inconvénients, des efforts sont déployés à l'échelle mondiale pour mettre au point des tests plus rapides, plus abordables et plus précis. Cette tâche est particulièrement difficile dans les cas où la "charge virale" (la quantité d'ARN viral) dans un échantillon est trop faible et peut échapper à la détection.
La nouvelle méthode présentée par le groupe de recherche du Professeur Meller s'appuie sur des technologies développées au sein de leur laboratoire au cours des deux dernières décennies, qui utilisent des trous nanométriques (appelés "nanopores") pour détecter des molécules biologiques une par une. L'efficacité de cette technologie a déjà été prouvée dans plusieurs autres utilisations biomédicales. Contrairement aux diagnostics moléculaires classiques, qui nécessitent de grands volumes d'échantillons contenant des millions de copies de la même molécule, la détection à l'aide de nanopores permet d'analyser des molécules biologiques individuelles à partir d'échantillons beaucoup plus petits. Un champ électrique puissant est utilisé pour déplier et faire passer les molécules d'ADN individuelles à travers le pore nanométrique contenant des capteurs électriques ou optiques. Chaque molécule qui passe à travers le trou est identifiée, ce qui permet de dénombrer immédiatement les molécules. Cette approche permettra de miniaturiser les systèmes de diagnostic, d'améliorer la précision et la fiabilité des tests, et de mieux gérer les cas où l'amplification par PCR n'est pas efficace et donne des résultats peu fiables.
L'article récemment publié expose deux applications de cette méthode : l'identification des molécules d'ARN associées à l'apparition d'un cancer métastatique et la détection des ARN du Covid-19. Pour limiter les incertitudes, les chercheurs ont mis au point un processus capable de dégrader les molécules non spécifiques et de ne garder que les molécules "cibles" pertinentes. Dans la première application, les chercheurs ont démontré la possibilité de détecter le cancer métastatique à un stade précoce en quantifiant les niveaux de MACC1 - l'un des principaux gènes connus pour signaler la formation d'un état métastatique. La nouvelle technique, dont la sensibilité est élevée, a permis de quantifier l'expression du gène dans les cellules cancéreuses aux premiers stades de la maladie (appelés stades I et II) - un défi que les technologies basées sur la PCR n'ont pas réussi à relever. L'intérêt est immense : plus tôt ces biomarqueurs génétiques sont découverts, meilleures sont les chances de succès du traitement.
Dans la seconde application, les chercheurs ont utilisé la même approche pour détecter les molécules d'ARN du virus du SARS-CoV-2. La technique présentée dans l'article est capable de contourner les processus de traitement des échantillons qui introduisent du "bruit" et des erreurs dans le système, ce qui n'était pas possible jusqu'à présent. La purification de l'échantillon, dans laquelle de nombreuses molécules cibles sont perdues par inadvertance, et l'amplification de l'ADN font partie des principaux processus concernés par les risques d'erreur et de mauvais diagnostics. Selon le Professeur Meller, "Notre système permet de quantifier les niveaux d'expression de l'ARN viral à l'aide d'un dispositif de nano-capteurs relativement simple, sans avoir besoin de purifier l'échantillon, ni d'avoir recours à des processus d'amplification massive qui pourraient nuire à la sensibilité et à la fiabilité du test. Nous avons montré que notre technologie préserve le taux d'expression génique des molécules d'ARN d'origine tout au long du processus. Nous obtenons ainsi une méthode d'analyse plus précise, qui est essentielle dans les deux contextes que nous avons étudiés - les biomarqueurs ARN du cancer métastatique et le virus SARS-CoV-2".
Le récent article d'ACS Nano est un événement important pour le groupe de recherche du Professeur Meller. Avec les travaux à venir, le système de détection basé sur les nanopores devrait devenir un device (dispositif portable) à même de remplacer les équipements de laboratoire encombrants. La recherche technologique et clinique se poursuit à la Faculté de Génie Biomédical du Technion, en collaboration avec la BioBank du Rambam Health Care Campus. Des mesures sont prises en parallèle pour commercialiser la technologie et la rendre disponible pour un usage général dès que possible.
La recherche est soutenue par l'Union européenne (grâce à une subvention du CER, dans le cadre du programme Horizon 2020 de la Commission européenne pour la recherche dans l'UE), la Fondation Israélienne pour la Science (ISF), et le programme SignGene qui soutient les étudiants en doctorat.
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